Menace sur le coteau de Chartèves ? par Christian VACHER

Mardi 25 février 2020

Coteau de Chartèves dans le sud de l'Aisne

 

Nous avons appris, en novembre 2019, que la Chambre Départementale d’Agriculture de l’Aisne et le Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne ont transmis pour avis au Conseil National de la Protection de la Nature un nouveau projet d’aménagement du coteau de Chartèves, sans le présenter au préalable aux autres parties concernées.

 

Le Conseil National de la Protection de la Nature a donné avis favorable assorti de réserves quant à ce nouveau projet d’aménagement.

 

Le contenu de cet avis, visible sur le site de cette institution, se réfère au dit projet dont nous ne parvenons pas à obtenir les plans et le détail  malgré les demandes réitérées de Monsieur le Maire et de « Chartèves Protégeons Notre Environnement » (CPNE) mais par lequel le Syndicat Général des vignerons se targue d’avoir obtenu le « sésame »  pour la plantation de vignes.

 

coteau de Chartèves bruant ziziPar ailleurs, le résultat de la dernière expertise des espèces végétales et animales réalisée sur le coteau en Mai 2017 ne nous est pas non plus transmis.

 

Pour CPNE, cette attitude de la part de la Chambre Départementale d’Agriculture de ne pas remettre les documents réclamés est inacceptable, elle semble témoigner d’une volonté de passer en force afin de mettre tout le monde devant le fait accompli.

 

L’Association « Chartèves Protégeons Notre Environnement » avait pourtant largement contribué, dans l’intérêt de toutes les parties, à la définition du protocole d’accord initial.

 

Ce protocole d’accord avait été signé le 25 Janvier 1995 précisant les limites d’une Réserve Naturelle Volontaire sur le coteau de Chartèves (sur 25 % de la zone viticole) à l’intérieur de laquelle étaient recensées plusieurs espèces floristiques et faunistiques rares à protéger ainsi que leur habitat, réserve agréée  par arrêté préfectoral en date du 13 Juillet 2001.

 

Ce protocole avait également pour but de préserver des ruissellements et coulées de boue les propriétés bâties en pied de coteau grâce  à la mise en place d’un schéma hydraulique.

 

Compte tenu de ce manque de transparence, les habitants de Chartèves et les défenseurs de la riche biodiversité du coteau expriment leur vive inquiétude quant à son devenir.

Chartèves Protégeons Notre Environnement.

 

Le Coteau de Chartèves

Résumé de 32 années écoulées :

 

 

Chartèves Protégeons Notre Environnement :

 

Créée en 1988, l’association « Chartèves Protégeons Notre Environnement » (CPNE),

 

-  après plusieurs années de péripéties, d’âpres discussions avec le monde du champagne, la Municipalité, les services de l’Etat, de nombreux déplacements et réunions,

 

-  à partir de constats effectués devant huissiers par des spécialistes reconnus du monde végétal et animal (professeurs Serge BOUTINOT, Maurice DUQUEF, Guy JARRY du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris etc …), a pu obtenir en date du 25 Janvier 1995 la ratification d’un protocole d’accord entre l’Etat, la Commune, les représentants du monde viticole, les propriétaires et Chartèves Protégeons Notre Environnement.

 

coteau de Chartèves Eryngium campestreCe document précisait sur le coteau de Chartèves les limites d’une Réserve Naturelle Volontaire (sur 25% de la zone viticole) à l’intérieur de laquelle étaient recensées plusieurs espèces floristiques (des orchidées comme ophrys sphegodès, l’anémone sylvestrice, l’inula salicina ….) et faunistiques (plusieurs espèces d’oiseaux comme notamment le Bruant zizi, la Pie Grièche, le Torcol fourmilier, des reptiles, le muscardin, des chiroptères …..) au total au moins 35 espèces.

 

Ce protocole soulignait par ailleurs le contenu d’un cahier des charges imposant des règles strictes pour la plantation et l’exploitation des parcelles pouvant recevoir de la vigne et qui aurait fait de Chartèves une référence en la matière.

 

D’autre part, les propriétés bâties en pied de coteau étaient préservées des coulées de boue et des ruissellements ; un remembrement devant permettre notamment la définition et la mise en place d’un schéma hydraulique.

 

Coteau de Chartèves Hypericum hirsutumLa Réserve Naturelle Volontaire de Chartèves, à partir des dispositions du protocole d’accord de Janvier 1995, a été agréée par Arrêté Préfectoral du 13 Juillet 2001.

 

La loi du 27 Février 2002 n° 2002-276  a modifié le Code de l’Environnement.

Les Réserves Naturelles Volontaires disparaissent et ont vocation à devenir des Réserves Naturelles Régionales.

La responsabilité des anciennes Réserves Naturelles Volontaires est confiée à la Région.

Les Réserves Naturelles Volontaires doivent passer par une procédure de reclassement pour pouvoir accéder au statut de Réserve Naturelle Régionale.

 

La Région Picardie refusa de transformer en l’état la Réserve Naturelle Volontaire en Réserve Naturelle Régionale (non reclassement) estimant que l’espace de la réserve, telle que définie, ne permettait pas de sauvegarder efficacement les espèces répertoriées, notamment florales .

 

Par ailleurs, les services de l’Etat ont refusé de valider l’étude d’impact réalisée dans le cadre de l’aménagement foncier du coteau se basant ainsi sur la position de la Région et le remembrement indispensable n’a pas pu être mené à son terme et le schéma hydraulique non finalisé.

 

Le 05 Septembre 2003, un accord a été passé avec la profession viticole pour que la zone située dans la partie basse de la réserve, d’une superficie de 3 ha 50, reste dans tous les cas non plantée.

 

Pérennité des pelouses calcaires du Sud de l’Aisne :

 

Suivant les instructions du Ministère de l’Ecologie, un Comité de Pilotage a été mis en place courant 2010 dans le cadre des mesures à prendre pour assurer la « pérennité des pelouses calcaires du Sud de l’Aisne » et qui a fait des propositions pour le coteau de Chartèves,

suggérant notamment un agrandissement de la zone à protéger en milieu de coteau et en même temps une réduction de la largeur de la partie de la réserve située en bas du coteau qui passerait de 70 m. (initialement) à 40 m. voire à 15 m.

 

Les propriétés bâties seraient alors peu protégées des ruissellements d’eau et de boue ni des

épandages de produits phytosanitaires.

Par ailleurs, cette partie du coteau abrite des espèces animales rares devant être protégées (couleuvre coronelle, couleuvre à collier, lézard vert, orvet, mante religieuse, salamandre, comme divers constats ont pu le certifier).

 

Cette orientation a reçu l’assentiment de Mme le Maire de l’époque et de certains élus, de l’Association Vie et Paysages, de Picardie Nature.

Seule l’association Chartèves Protégeons Notre Environnement s’est opposée à ce schéma et a demandé le respect des dispositions du protocole d’accord de 1995.

 

Nouveau protocole d’accord présenté par la Région :

 

Coteau de Chartèves orchidéeEn 2015, la Région qui jusqu’ici n’avait toujours pas validé le passage de la Réserve Naturelle Volontaire en Réserve Naturelle Régionale, a annoncé qu’elle était prête à mettre en place une Réserve Naturelle Régionale avec « une délimitation plus adaptée au maintien des milieux naturels présents » et a proposé un nouveau protocole pour l’aménagement du coteau de Chartèves prévoyant de passer de 25% à 50% de la zone viticole la surface de la réserve naturelle.

Ce protocole d’accord n’a pas été accepté par toutes les parties.

 

Nouveau projet d’aménagement du coteau porté par la Chambre d’Agriculture :

 

En Octobre 2019, la Chambre Départementale de l’Agriculture de l’Aisne, lors d’une réunion informelle, a indiqué à Monsieur le Maire de Chartèves et à ses Adjoints ainsi qu’au Vice-Président de CPNE bien que non invité mais dont le Maire avait imposé la présence, avoir présenté un nouveau projet d’aménagement du coteau de Chartèves qui maintiendrait la zone basse de 70 m. de large au dessus des habitations ainsi que le couloir central mais réduirait fortement l’emprise en partie haute du coteau, les espèces floristiques étant déterrées et replantées sur le territoire d’une autre Commune, au titre des mesures dites « de compensation » (séquence Eviter, Réduire, Compenser).

 

Une étude du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, réalisée en France sur un grand nombre de projets impactant l’environnement et la biodiversité, a montré que dans 80 % des cas les mesures de compensation ne compensaient rien.

 

Malgré les demandes réitérées de Monsieur le Maire, la Chambre d’Agriculture s’obstine à ne pas transmettre le détail de ce projet d’aménagement du coteau ainsi que les résultats d’une expertise des espèces florales et animales réalisée, à la charge financière des viticulteurs, par un Bureau d’Etude (Rainette) les 28, 29 et 30 Mai 2017.

 

La Chambre d’Agriculture a transmis son projet au Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) qui a donné, en date du 09 Septembre 2009 et pour le compte du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), un avis favorable assorti de réserves concernant ce projet.

 

Il est possible de se procurer sur le site de cette instance le document en question mais qui se réfère au projet détaillé porté par la Chambre d’Agriculture que nous ne parvenons pas à  obtenir.

 

Il est inadmissible que la Chambre d’Agriculture ait sollicité l’avis du Conseil National de la Protection de la Nature sur un projet d’aménagement qu’elle ne transmet pas en Mairie de Chartèves et à notre association malgré les demandes lui étant faites..

 

Coteau de Chartèves Lathyrus sylvestrisSur le Journal l’UNION du 03 Février 2020, dans un article portant le titre « Vigilance sur le dossier Chartèves » Monsieur Daniel FALLET, Vice-Président du Syndicat Général des Vignerons, indique : « Nous devons être vigilant pour que l’avis favorable du Conseil National de la Protection de la Nature ne soit pas détourné ou reformulé. Nous avons obtenu le sésame en Octobre 2019 et le remembrement devrait être maintenant sur les tables de travail ».

 

Chartèves Protégeons Notre Environnement dénonce cette attitude qui consiste à vouloir passer en force au mépris de l’accord ayant conduit à la reconnaissance d’une Réserve Naturelle Volontaire et s’inquiète quant au devenir de cette réserve naturelle particulièrement menacée par ce nouveau projet d’aménagement du coteau de Chartèves.